En Tunisie, sous prétexte du
suicide, le 17 décembre 2010, d’un vendeur de fruits et légumes ambulants, une
succession de manifestations plus ou moins spontanées mélées de graves troubles
à l’ordre public, conduisaient de manière confuse à la fuite, le 14 janvier
2011, du Président tunisien Ben Ali. S’en suivaient des évènements similaires
en Egypte puis en Lybie, phénomène présenté comme un embrasement de partie des
pays du Maghreb et du Proche-Orient, qu’on a dénommé « printemps
arabes ». Le 11 février de la même année le Président Egyptien Hosni
Moubarak démissionnait. En Lybie, une coalition composée des Etats-Unis, du
Royaume-Uni, du Canada et de la France intervenait en mars, et le pays
basculait dans la guerre civile.
Cependant, en Syrie, nation
multiconfessionnelle, les premiers appels, réitérés chaque vendredi au sortir
de la prière, à manifester pour obtenir le départ du Président Bachar AL ASSAD,
stigmatisé comme alaouite, demeuraient d’abord sans effet. Puis, en l’espace de
dix jours, suite à deux manifestations ayant bien eu lieu dans la ville de
Deraa, les 15 et 16 mars, tardivement donc, plus laborieusement qu’en Tunisie
ou qu’en Egypte, les évènements commençaient. A Deraa donc, le 16 mars, lors
d’une manifestation de fonctionnaires revendiquant une augmentation de leur
traitement, on comptait des morts et des blessés par balles, tant côté forces
de l’ordre que côté manifestants. Où l’on peut soupçonner, comme en Egypte, le
fait de mystérieux tireurs d’élite. Et la rumeur se répandait d’enfants arrêtés
et torturés par la police pour avoir taggué un slogan hostile au chef de
l’Etat. Des chaines de télévision saoudiennes et qatariennes diffusaient des
scènes de manifestations de masse sensées essaimer dans tout le pays, des
sectes islamistes tentaient de dresser la population sunnite contre les
chrétiens, chiites et alaouites, tandis que de petits groupes armés
commençaient de semer la terreur.
En l’espace de six mois la
nation syrienne allait entrer dans les convulsions de la crise dont elle n’est
toujours pas sortie à ce jour. Tout en assurant le maintien de l’ordre public,
les gouvernements successifs promettaient et engageaient des réformes, et en
gage de volonté d’apaisement plusieurs amnisties générales étaient prononcées
par le Président, qui libéraient toutes les personnes arrêtées dans le cadre de
la répression des manifestations (14 avril, 31 mai, 21 juin et plus tard
encore, le 15 novembre). Mais semaine après semaine les choses allaient prenant
une tournure de plus en plus tragique. Le 6 juin 2011 plus de cent vingt agents
des forces de l’ordre mourraient à Jisr al-Choughour. Eté 2011 l’on voyait se
multiplier les bandes armées. S’affirmait également, et ce dès le départ, la
dimension hautement internationale du conflit. Pays stratégiquement situé,
riche de ressources énergétiques (gaz et pétrole), fier d’une indépendance
âprement conquise, d’une guerre mondiale l’autre, sur une armée d’occupation
française qui croyait pouvoir succéder à l’Ottoman, aussitôt, dès 1948, pris
dans le conflit régional, la Syrie était depuis 2001 l’objet de pressions
internationales grandissantes. Les Etats-Unis d’Amérique, l’Angleterre et la
France s’opposaient, au sein du conseil de sécurité de l’Organisation des
Nations Unies (ONU), à la Russie et à la Chine (résolution occidentale
repoussée le 27 avril 2011, le 3 août 2011, le 4 octobre 2011, le 4 février
2012, le 19 juillet 2012). Entraient en scène la Commission des droits de
l’Homme de l’ONU et Human Rights Watch (rapports du 1er juin 2011,
11 novembre 2011, 15 décembre 2011 et 3 juillet 2012). Insistons enfin,
dimension essentielle du conflit, sur l’intense propagande à laquelle se
livraient depuis l’étranger certains responsables religieux, ce qui commençait
d’entraîner, dès avant septembre 2011, l’entrée clandestine en Syrie, depuis la
Turquie, l’Irak, la Jordanie et le Liban, d’étrangers venus de tous pays (plus
de 80 nationalités différentes ont été recensées). En septembre 2011 le conflit
se durcit de l’arrivée en Syrie de terroristes Lybiens.
En octobre 2011 on menaçait
déjà la Syrie d’une intervention militaire directe de la part de l’OTAN. le 24
octobre les Etats Unis d’Amérique rappellent leur ambassadeur. Le 28 octobre
2011 « l’opposition » demandait à la communauté internationale
« une zone d’exclusion aérienne », comme en Lybie, pays dont le chef
venait de mourir sauvagement assassiné (le 20 octobre) lors d’un raid de l’OTAN
soigneusement filmé et montré au monde entier. Le 12 novembre 2011 la Syrie
était suspendue de la Ligue arabe, et Turquie et Jordanie appelaient au départ
du Président Bachar AL ASSAD.
Depuis l’été 2011, mais plus
encore à partir de l’automne 2011, l’armée syrienne s’était engagée dans des
combats stratégiques contre la rébellion, avec notamment le siège de BABA AMR,
quartier populaire de HOMS, quasi-vidé de ses habitants, où se regroupaient la
plupart des takfiristes syriens. Ils proclamaient un émirat islamique en
février 2012. BABA AMR était repris, le 1er mars 2011, marquant
l’échec de la tentative de reproduire le scénario Lybien, et, avec
l’emprisonnement des takfiristes, la fin de cette phase des combats. Mais les
vagues incessantes de terroristes venus de l’étranger faisaient que le conflit
allait s’éternisant, car entre temps les attentats s’étaient multipliés, semant
la terreur dans tout le pays. Les attentats du 23 décembre 2011, du 6 janvier
2012 et du 10 février 2012 portaient déjà la signature d’un certain terrorisme.
Le 11 février 2012, lendemain donc du dernier de cette série (qui
continuera : 17 mars 2012, 27 avril 2012, 22 février 2013 etc.), le chef
d’Al Qaida déclarait son soutien à la rébellion contre le Président Bachar AL
ASSAD. Et le surlendemain, le 12 février donc, la Ligue arabe annonçait son
intention d’armer l’insurrection.
Le 28 mars 2012 le Président
Bachar AL ASSAD acceptait le plan de paix dressé par l’envoyé spécial du
Conseil de sécurité de l’ONU. La légitimité du régime syrien ne pouvait plus
être sérieusement contestée et l’ordre devait être rétabli, le conflit prenant
nettement la noire tournure d’une lutte contre un terrorisme frappant
aveuglément et orchestrant, de manière très médiatique, une violence à outrance
que tantôt l’on impute au pouvoir pour dresser les esprits contre lui, tantôt
que l’on revendique comme un trophée destiné à effrayer (massacres du 25 mai
2012, apparition d’un « Front Jabhat Al-Nosra », affilié à Al-Qaïda).
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